Les métiers des ressources humaines (RH) ont connu de nombreuses transformations et évolutions ces dernières années, et l’utilisation croissante de la robotique et des intelligences artificielles (IA) dans ce milieu professionnel représente aujourd’hui de véritables défis autant que des opportunités.
Un rapport Deloitte de 2018, intitulé « Human Capital Trends », révèle que l’adoption de l’automatisation, de la robotique et de l’intelligence artificielle s’accélère considérablement. 41% des répondants à cette étude jugent qu’il s’agit d’un sujet d’importance capitale. Près de la moitié des sondés déclarent que leur entreprises sont fortement impliquées dans des projets d’automatisation : 24% utilisent l’IA et la robotique afin d’effectuer des tâches routinières, 16% afin de renforcer les compétences humaines, et 7% pour restructurer entièrement leur activité professionnelle.
David Mallon, vice-président et analyste chez Bersin, soutient que les services centralisés seront les premiers, en matière de ressources humaines, à être impactés par la robotisation et/ou l’automatisation. Rapidement, le travail humain devrait y être suppléé, voire même remplacé.
« Créés pour rationaliser, dimensionner et standardiser des processus ou des programmes administratifs RH répétitifs, les services centralisés se prêtent bien à la robotisation, qui systématise un travail de routine conséquent en plus d’être manuel. Imaginez tout ce qu’un humain pourrait faire en plus, en travaillant avec un système de données qui le soulage d’une charge d’une telle charge de travail, en imitant les actions humaines. »
L’influence de l’intelligence artificielle est déjà perceptible dans un domaine tel que le recrutement, selon Ksenia Zheltoukhova, responsable de la recherche au Chartered Institute of Personnel and Development. « Il s’agit de s’assurer que les candidats ont un parcours particulier, et une des étapes fondamentales du processus de recrutement, facilitée par l’IA, est l’interview vidéo ».
Alan Stukalsky, chef de la direction numérique chez Randstad US, pense quant à lui que les organisations et les entreprises n’en sont encore qu’à un stade embryonnaire en ce qui concerne l’automatisation dans le recrutement.
« Il y a beaucoup de battage autour de l’utilisation des chatbots, pour offrir des expériences personnalisées en ligne, ainsi que pour rationaliser le processus d’embauche. Mais il y a encore de la marge aujourd’hui avant que ces produits soient suffisamment évolués pour qu’on peine à distinguer robot et humain. Il est également important de se rappeler que, bien que les robots soient capables de sélectionner des candidats, il leur serait quasi-impossible d’évaluer les points culturels, de caractère… que pourrait apporter une personne à une entreprise. Néanmoins, avec la vitesse d’évolution de l’IA et de l’apprentissage automatique, d’ici peu de temps des chatbots et des machines plus performantes et sophistiquées pourraient vous donner du fil à retordre dans la distinction de votre interlocuteur : machine, ou être humain ? ».
Kurt Heikkiken, directeur général de Montage, a déclaré qu’une étude 2018 menée par son entreprise a révélé que les recruteurs s’accordaient à dire que l’IA est un concept bien accepté dans le milieu, mais qu’elle peine encore à être adoptée. « Près de la moitié (46%) ont déjà envisagé d’utiliser l’IA afin d’automatiser le processus de recrutement. Et 51% se disent favorables et confiants dans l’utilisation de l’apprentissage automatique afin de les guider dans leur décision ou non d’embaucher une personne ».
Kurt Heikkiken a ajouté qu’une IA permettant d’être plus rapide et efficace séduisait davantage les recruteurs et les pousserait plus facilement à l’adopter.
« Aujourd’hui, les équipes chargée du recrutement sont surchargées de tâches administratives répétitives et longues, comme le filtrage des CV, les pré-entretiens… Mais comme de plus en plus d’entreprises adoptent des outils de recrutements équipé de l’IA, ces tâches fastidieuses sont progressivement déléguées aux machines, et permettra à long terme aux recruteurs d’être plus fins, et de recruter de meilleurs talents ».
L’étude menée par Deloitte a par ailleurs révélé que l’IA et la robotique ouvraient la voix à de nouvelles fonctions passionnantes pour les ressources humaines. Le logiciel couramment utilisé permet de reconnaître les visages, d’identifier le genre, d’écouter les voix, d’identifier les humeurs, et de décrypter les entretiens vidéo afin d’identifier le niveau d’éducation, d’honnêteté et de réflexion des postulants ». Ces outils analytiques sont ainsi capables de sélectionner intelligemment les candidats, d’identifier les options de carrière des nouveaux et des anciens employés, ainsi que de coacher les managers, afin d’améliorer leur leadership.
Les RH doivent repérer les compétences requises pour le bon fonctionnement d’une entreprise, et comme celles-ci peuvent lui ajouter de la valeur. Et pour Zheltoukhova il est important de ne pas oublier ceci, avant de plonger dans la grande aventure de l’IA.
« Les entreprises doivent identifier quel type de compétence et de valeur elles doivent acquérir, et quels outils disponibles pour cela est à leur disposition. Certains de ces outils sont technologiques, d’autres humains. Il faut combiner ces différentes solutions. Considérer les moyens disponibles dans un milieu professionnel et la manière dont les entreprises et les employés vont interagir avec cette technologie. Il s’agit d’une transition vers un milieu professionnel plus automatisé, et des compétences nécessaires pour faciliter cette transition. Le grand enjeu pour cette profession est que ces dix prochaines années, certain RH accompliront des tâches qui seront automatisées ».
Doug Upchurch, de chez Insights Learning and Development, pense quant à lui que l’IA continuera à soutenir les RH là où des politiques et des processus précis doivent être appliqués, tels que le tri des candidats et le recrutement.
« Le vrai intérêt de l’intelligence artificielle est que nos leaders humains pourront consacrer plus de temps à leur intelligence émotionnelle à leur profession. Il est grand temps de laisser les ordinateurs faire ce qu’ils font de mieux et de laisser aux humains ce nous faisons de mieux ».