Market trend: Vers une sous-traitance pharma 3.0

A l’image de toute l’industrie, les acteurs de la sous-traitance pharmaceutique vivent globalement les mêmes tendances de fond du secteur de la santé:

  • chute régulière des prix du médicament sur dix ans,
  • développement du générique,
  • concurrence des pays émergents et explosion des biotechnologies.

Une tendance de fond qui pousse les intervenants de tous niveaux à initialiser une phase de rationalisation importante, similaire au virage pris par le secteur de la finance dans les années 2000.

Cette évolution rationalisée a conduit à une croissance naturelle rapide de l’externalisation.

Une croissance qui a généré un intense développement de la sous-traitance à travers la modernisations et la montée en puissance des parcs ainsi qu’à une réorganisation plus “cost-effective” du maillage industriel européen.

Les nombreux rachats de sites sur la période 2000-2015, à l’exemple de Famar pour le site Sanofi de Saint-Genis-Laval en 2003 ou plus récemment de Fareva pour le site Pfizer d’Amboise en 2014, attestent de ce dynamisme avec 150 usines*, 3,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 17.000 emplois sur les quelques 277 usines sur les quelques 277 sites du parc industriel français.(*Les Echos)

Si ce contexte a initialement contribué à la croissance des CMO, les grandes évolutions telles que l’harmonisation et le durcissement de l’ensemble des réglementations nationales et internationales que vit à présent l’industrie représentent de nouveaux challenges pour la sous-traitance.

Quelles sont les réponses apportées par les façonniers à ces problématiques et en quoi diffèrent-elles des laboratoires exploitants? Qu’en est-il aujourd’hui des autres tendances de fond auxquelles le monde du façonnage doit faire face pour préparer l’avenir ?

Un résultat emblématique de cette transformation est la diversification du panel de services des façonniers qui proposent aujourd’hui d’externaliser des parties jusque-là traditionnellement corporate comme le réglementaire et le marketing et le renforcement de leur offre de développement(s) pour devenir des CDMO (Contract Development & Manufacturing Organisations).

La concentration des acteurs du façonnage au profit des grands leaders du marchés, à l’exemple de Fareva, Cardinal Health ou Famar et la standardisation des procédés “classiques” ont par ailleurs eu pour effet d’encourager certaines sociétés à développer un savoir-faire de niche.

Les nombreuses fusions du secteur ces dernières années ont de plus eu pour effet de déstabiliser le portefeuille des façonniers tout en exacerbant la concurrence.

Une des réponses à ce phénomène est une contractualisation à plus court terme des collaborateurs, avec un recours aux contrats consulting / temporaires à tous niveaux, en plus d’un taux de turn-over déjà naturellement élevé au sein du secteur.

On assiste aussi à une réduction du nombre d’opérateurs au profit d’ingénieurs répartis sur différents services de performance en production et en renforcement des services méthodes. Une demande significative de profils expérimentés en amélioration continue est à noter également, et ce, quelque soit le service.

Les projets techniques sont quant à eux traités de manière plus ponctuelle en faisant appel au conseil, notamment via des consultants experts indépendants, souvent issus du réseau immédiat du management opérationnel de la structure ou via des cabinets spécialisés.

Auparavant freinée par une problématique de coût et une visibilité beaucoup moins importante que celle des big pharma, la pratique du consulting se démocratise rapidement au sein des CMO’s et les dirigeants hésitent de moins en moins à bénéficier de la souplesse et de l’import de compétence immédiat que représente le réseau d’experts indépendants français du secteur.

Cela est vrai aussi bien pour du coaching « d’urgence » avant le passage d’autorités comme la FDA, que pour des missions d’organisation, de transfert et d’amélioration continue.

Le secteur voit aussi émerger de nouveaux besoins sur des compétences comme l’automation ou la sérialisation.

Par ailleurs, les évolutions de la réglementation Européenne sur des sujets comme la sérialisation et l’inviolabilité, les guidelines ICH ainsi que les exigences des donneurs d’ordre en matière de traçabilité et l’augmentation des contrôles sur les excipients dans le produit fini, impactent fortement les façonniers à qui la compliance réglementaire impose de gros investissements.

Malgré des coûts contraires au modèle façonnier traditionnel (réduction des investissements – répétabilité – accès à une économie d’échelle), les structures sont désormais de moins en moins rares à adopter des stratégies plus long-termistes, en intégrant par exemple le quality by design en amont de leur fonctionnement pour éviter d’avoir à déposer plus tard de coûteuses variations auprès de l’ANSM, voire en rachetant des brevets pour stabiliser leurs volumes.

Cette démarche s’accompagne donc d’un véritable changement de culture dans les organisations façonnières qui s’orientent de plus en plus vers les outils du lean comme les méthodologies Shingo, 5S, Kanban et flots continus ou encore Kaizen, afin de rendre les équipes plus autonomes et conscientes de leurs tâches à tous les niveaux hiérarchiques.

Les métiers du secteur deviennent par ailleurs de plus en plus interdisciplinaires, intégrant de nombreuses compétences.

Le contexte dans lequel évoluent les sous-traitants européens peut paraître difficile et on pourrait s’interroger sur l’avenir du façonnage en Europe, mais une analyse approfondie permet de souligner la forte capacité à anticiper l’évolution de la demande et la souplesse volontariste qu’ont su mettre en oeuvre les acteurs du secteur ces dernières années.

Il en résulte la plupart du temps une qualité de service accrue et une plus grande autonomie des sociétés de façonnage ainsi qu’un tissu industriel dédié optimisé et plus performant, facteurs vertueux dont bénéficie le patient en bout de chaîne.

Les donneurs d’ordres ont par ailleurs toujours besoin de partenaires de proximité et ont compris que le marché de la sous-traitance doit rester local en raison de l’effet boomerang qu’implique la montée des prix de la main d’œuvre et de la logistique, en opposition à la montée en savoir-faire des pays émergents au sein desquels se réalisent les transferts d’activité.